La Cour de cassation a rendu un avis, le 9 mars 2023, aux termes duquel elle reconnait, sur le fondement de l’article 414 du code de procédure civile, que
« lorsqu’une société d’assurance est partie à un litige à raison de plusieurs contrats couvrant différentes personnes, l’article 414 du code de procédure civile ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit représentée par autant d’avocats que de personnes assurées ».
La question du TJ de PONTOISE était simple :
« Dans un même litige, la représentation d’une société d’assurance prise en ses qualités d’assureur de plusieurs personnes morales distinctes, par autant d’avocats que de personnes assurées, est-elle conforme aux dispositions de l’article 414 du code de procédure civile ? »
Cette question était légitime dès lors que la Cour de cassation avait pu précédemment juger :
Vu l’article 414 du code de procédure civile ;
Attendu qu’une partie n’est admise à se faire représenter que par une seule des personnes, physiques ou morales, habilitées par la loi ;
Attendu que, déclarant agir ” ès-qualités d’assureur de la société Graham Packaging ” la société Chubb Insurance Company of Europe (la société Chubb), représentée par M. Y…, avocat au conseil d’Etat et à la Cour de cassation, a formé le 27 avril 2006 un pourvoi en cassation contre l’arrêt attaqué ; que le 2 mai 2006, déclarant agir ” en sa qualité d’assureur de la société Serac ” et représentée par un autre avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, M.X…, elle a formé un second pourvoi contre la même décision ;
D’où il suit que ce second pourvoi, formé contre la même décision, au nom de la même personne morale agissant en la même qualité, peu important à cet égard qu’elle soit poursuivie sur le fondement de deux contrats d’assurances distincts, n’est pas recevable
(Cass. 2ème Civ. 24 janvier 2008, 06-14.276)
A LYON, les magistrats du Tribunal Judiciaire étaient, d’ailleurs, de plus en plus enclins à provoquer des incidents de procédure en soulevant d’office, au visa de 414 du code de procédure civile et de l’arrêt du 24 janvier 2008, que :
« il pourrait s’en évincer qu’un même assureur, appelé à une instance au titre de polices bénéficiant à des assurés différents, ne peut constituer deux avocats distincts, selon qu’il agisse ou défende en qualité d’assureur du premier assuré, ou en qualité d’assureur du second ; »
Si dans une première approche, les magistrats se contentaient de poser la question de l’intérêt et de l’opportunité d’une représentation multiple ; ils n’avaient pour autant pas caché leur faveur pour une représentation unique de la compagnie d’assurance partie au litige au titre de plusieurs contrats, croyant, très certainement, que cela simplifierait la gestion de la mise en état car diminuant mathématiquement le nombre de parties.
Dans son avis de mars 2023, la Cour de Cassation s’oppose à toute représentation unique de la compagnie d’assurance en expliquant à juste titre que :
« La société d’assurance partie à un litige à raison de plusieurs contrats couvrant différentes personnes, dont les intérêts peuvent être divergents, ne peut pas être représentée par un seul et même avocat sans risque de conflit d’intérêts et de manquement aux obligations déontologiques de ce dernier, plus particulièrement encore lorsqu’en application des dispositions de l’article L113-17 du code des assurances, l’assureur prend la direction du procès intenté à son assuré. »
La Cour de cassation tient ainsi un raisonnement pragmatique en prenant en considération :
– Les intérêts potentiellement divergents d’assurés couverts auprès d’une même compagnie,
– Le positionnement de l’avocat qui se voit opposer des règles déontologiques strictes en cas de conflits d’intérêt,
– La possibilité pour l’assureur de prendre la direction du procès au nom et pour le compte de son assuré lorsqu’elle n’a pas difficultés de garantie
Un Avis à saluer.